La résilience et le sens de la guérison

La résilience et le sens de la guérison - Thérapeute coach à Bordeaux

La résilience et le sens de la guérison

Aujourd’hui, cet article de la rentrée est placé sous un aspect plus personnel : La résilience et le sens de la guérison.

Peut-être le confinement a fait resurgir pour beaucoup ce questionnement sur le sens de la vie, sur le partage de son quotidien, sur la signification de notre solitude choisie ou imposée.

Une résonance prégnante que ce sujet délicat et souvent complexe, voire douloureux de l’amour, particulièrement entre partenaires amoureux.

Ma volonté de partager ainsi ce sur quoi une partie de mon accompagnement repose, mon expérience, mes interrogations, sur ma légitimité à aborder certains sujets et ma perspective.

Ce texte évoque les raisons qui orientent la philosophie, le prisme par lequel j’aborde mon métier, la thérapie et ma vie. C’est avec la conscience de ma vulnérabilité, authenticité, en tirant les leçons de mon parcours, en exposant mon propre cheminement que je partage ma vision améliorée du KINTSUGI.

Art de réparation japonais, symbole de la résilience et métaphore de la mienne, j’ai tenu à en faire l’expérience concrètement.

Le processus, apparenté à celui d’une guérison après un traumatisme ainsi vécu, contenait sa part d’imprévu et de mystère, une histoire d’amour en fait.

Pour cette initiation, j’ai acheté un bol japonais et ai demandé à l’homme que j’aimais passionnément de le casser. Je pressentais qu’il briserait mon coeur aussi sûrement, que je devais me préparer, comme si, de façon illusoire, nous pouvions nous préparer à un effondrement, à une perte irrémédiable, un deuil.

J’avais anticipé cette destruction, en choisissant obscurément de vivre, d’y survivre, voire de me reconstruire si j’en avais les ressources, l’envie, la possibilité.

Il a pris le bol, enveloppé dans l’un de mes foulards et l’a tapé contre le sol, le cassant en 12 morceaux que j’ai rapportés soigneusement.

L’assemblage des morceaux a commencé avec difficulté car leur nombre ne permettait pas une réparation immédiate mais par étape pour garder la structure : tout réparer en même temps était impossible. Le poids, la gravité faisaient se détacher les pièces collées laborieusement, rechercher des ajustements permanents, essayer de faire rentrer, tenir, aider la prise.

Les 12 morceaux avaient besoin d’être assemblés un à un, comme une intégration progressive. Le temps était mon allié et la patience nécessaire pour permettre la solidification et la consolidation.

A la mort de cet amour que je pensais pourtant éternel, j’ai décidé de finir ce que j’avais toujours repoussé, la réparation de ce bol, choix terrible.

Finir, c’était mourir à cet amour et je ne m’y résolvais pas.

Finir, c’était savoir qu’il ne resterait que la cassure, la blessure affronter le fait que mon monde s’était éparpillé, volatilisé, atomisé, comme un Eden à jamais perdu.

Finir, c’était admettre que l’effondrement tellement redouté s’était produit, que ma « pré-science » n’avait pu empêcher la catastrophe, qu’il ne restait aucune possibilité de retour en arrière, de ce bol ne se reconstruirait pas à l’identique.

Finir, c’était le changement irrépressible, irrémédiable, infalsifiable, la métamorphose obligée, l’impossibilité de recouvrer cette intégrité, cette innocence perdue.

Choisir de réaliser ce kintsugi, c’était accepter que ce bol, mon coeur, avait été brisé et qu’il pouvait aussi être réparé et, surtout, qu’avec les mêmes pièces, devenir pourtant différent.

Le temps d’y procéder était venu.

M’y résoudre, c’était toucher ce que les mains de cet homme aimé avaient touché, cassé à ma demande.
C’était devoir me soigner, choisir de guérir sans lui, en dépit de lui et grâce à lui.
L’oublier, passer à autre chose, aimer peut être un autre homme, comme un sentiment vague et brûlant de trahison et de souffrance.

Finir, c’était mourir à cet amour, y renoncer, admettre qu’il ne serait plus, que tous ces mots, ces moments, ces espoirs avaient été emportés.

Lorsque j’ai pris les éclats entre mes mains, j’ai cru ne pas pouvoir faire, le courage en moi se dérobait. Que d’un bol entier, je ne récupérais que des morceaux éparpillés qui n’auraient en commun que leurs brisures.

J’ai connu les difficultés de préparation, dosage et d’application de la laque qui faisait le joint, des affaissements, recommencer, faire un mélange plus souple de l’eau de mes émotions.
J’ai regardé avec étonnement ces morceaux qui tenaient entre eux de façon surprenante, inattendue. Puis est venue l’étape délicate de nettoyage et de ponçage léger.
Ainsi, je me suis rendue compte que le volume avait changé, dû à la présence du liant, que des éclats de céramique ne pourraient être ajoutés, que certains avaient une jointure harmonieuse, d’autres non. Que je tenais un objet que j’avais connu, connaissais et qui pourtant répondait à sa façon à la réparation.

Ainsi, il en allait aussi de ma guérison, avec plus de corps, de matière, avec des marques plus légères, plus grossières, occupant une place plus importante, gagnée pendant le séchage.
Regarder ces cicatrices et m’interroger sur leur devenir. Les laisser brutes ou les recouvrir d’or ?

Je prépare ma guérison, en retirant les excédents et ne pouvant pas faire autrement qu’en en laissant, je regarde les inégalités, les aspérités, les surprises du Kintsugi.

J’imagine les veines d’or qui sillonneront, combleront ce bol, je sens la laque irritante qui grignote la pulpe de mes doigts, l’odeur particulière de terre. Cet acte, je le vis intégralement.

En fait, partie d’une peur sans fond de réparer, de me reconnecter au symbole de cet amour, je réalise que j’aime prendre ce bol à pleine main, voir sa différence, sentir sa solidité, sa résistance : les réparations saillantes, rouge foncé, qui peuvent demander à être aplanies. Et j’ai réalisé en insérant la pièce finale qu’il existait un écart entre la structure originale et celle reconstituée. Tant pis, j’accepte et fais avec ces nouvelles contraintes, ces changements qui ne feront pas une réparation parfaite.
Un espace s’est formé et je devrais créer une surface qui n’existait pas afin de combler ce léger vide.

J’ai choisi de parer d’or les vulnérabilités constitutives de ce bol. Finalement, ce sont les réparations qui lui donnent sa structure et le maintiennent.
Que dorénavant, faite précédemment d’un seul bloc, je suis maintenant une mosaïque et je suis l’unique artisan de ma guérison.

Ce métal solaire, incorruptible, brillant, doux et souple vient recouvrir de sa présence protectrice ces cicatrices, il met la lumière sur ces failles, il les rend visibles, sublime leur beauté et les imperfections, avec l’or, elles deviennent précieuses.

Je réalise avec surprise et gratitude que j’ai appris à aimer faire cette réparation, que j’ai gagné en surface et en profondeur, que je me suis reconstruite en douceur et avec bienveillance.

Partie à la recherche de cet amour perdu qui m’avait brisée, en tentant de comprendre, de le comprendre, je me suis finalement trouvée, aimée moi-même.

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